De quelques centimes à plusieurs millions

De quelques centimes à plusieurs millions
Alexandre P. dans Expérience - mis à jour le 02-06-2025

L’histoire d’un commercial méprisé devenu leader de son marché après avoir fondé sa boîte, une leçon de persévérance et de revanche inspirante.

Aujourd'hui, on ne va pas parler tech, mais je vais vous raconter une histoire inspirante qui, je l’espère, vous apportera quelque chose dans votre quotidien.

Lorsque j'ai commencé le consulting, il y a un peu plus de 10 ans maintenant, j'ai travaillé pour un client qui possédait un groupe d’entreprises, que l'on va appeler C pour cet article, composé d’une trentaine de sociétés.

Vous en connaissez probablement un bon nombre vous-même, car il s'agit souvent de franchises dans le luxe, le prêt-à-porter, etc.

Un jour banal, alors que je codais dans un bureau dans lequel on m'avait mis à disposition un serveur très puissant pour des tâches spécifiques, je vois un des associés passer dans le couloir, vert de rage, à travers les vitres de mon bureau. On l'entendait râler depuis l'entrée, il semblait réellement mécontent.

Je me suis demandé : qu'est-ce qui peut bien le mettre dans un tel état ?

Je pense que mon air dubitatif a dû se lire sur mon visage. Et alors que je tournais le regard vers mon collègue, peut-être en recherche d’approbation, ou simplement pour voir s’il avait vu ce que j’avais vu.

Ce dernier, employé de cette compagnie depuis une dizaine d'années, me dit : « Je sais ce qu’il se passe, et c’est une longue histoire… » Je lui réponds, intéressé et probablement un peu curieux : « Ah ? »

Et il me raconte :

  • « On a perdu un gros appel d’offre. »
  • « Ah ok. » j’acquiesçais.
  • « Ouais… Et pas de la meilleure des manières. »
  • « Ah bon ? » disais-je.
  • (avec un petit sourire en coin) « Le concurrent est un ancien de la maison. »

Je hochais la tête, l’encourageant à m’en dire plus.


Le commencement

Il y a plusieurs années, ce groupe d’entreprises, dans son département médical, avait recruté un jeune commercial ambitieux. Ce dernier était très motivé, cherchait toujours à faire mieux, à faire plus.

Cette personne, que je n’ai pas connue moi-même, m’a été décrite comme quelqu’un d’ambitieux, de travailleur et de rigoureux.

Je ne suis pas commercial, mais je dois parfois en faire, vu mes activités. Et c’est un métier difficile, souvent ingrat. Il demande beaucoup d’abnégation, de courage, de motivation et d’audace. En général, lorsqu’on réussit, et de manière répétée, ce n’est pas un coup de chance.

Faisant au mieux pour conclure ses deals, ce jeune commercial avait négocié des avantages et des bonus sur résultats. Quoi de plus normal, lorsqu’on donne satisfaction et qu’on met autant de cœur à l’ouvrage ?

Je vous parle de quelqu’un qui avait l’habitude de closer des contrats à plus de 100K, voire quelques millions.

D’expérience, pour l’avoir aussi fait, lorsqu’un produit est bon, il est facile de le vendre.

Et quand je dis "facile", cela s’entend sur plusieurs aspects. Il faut que le prix reste dans la tranche de valeur que lui attribue le client. Par exemple, il est facile de vendre une BMW à quelqu’un qui souhaite une BMW. Évidemment, ce n’est pas un produit adapté à quelqu’un qui a le budget d’une Citroën Ami.

Je pense que, dans une certaine mesure, il était difficile de savoir s’il faisait réellement de l’excellent travail, à moins de le benchmarker avec d’autres employés. Mais visiblement, il faisait déjà mieux que ses collègues.

S’en est suivi un conflit entre ce commercial et les fondateurs, où ils se reprochaient mutuellement des choses :

  • d'un côté, il ne ferait plus rentrer assez de nouveaux clients.
  • de l'autre, les managers n’auraient pas respecté leurs engagements sur ses bonus.
  • Etc.

dispute

Jusqu’à atteindre le point de non-retour, et son départ ensuite.

démission

Lorsqu’il a quitté la boîte, il s’était juré de prouver à tout le monde qu’il était le meilleur, et qu’ils avaient eu tort.

Scénario classique, digne d’un film. 😅


Le nouveau départ

Après avoir quitté la boîte qui l’avait tant blessé dans son ego, le commercial décida de fonder lui-même sa structure, afin de ne plus jamais être trahi, et d’être seul maître de ses engagements. Pour rappel, il était issu du département médical, donc inévitablement, il a fondé une société dans ce domaine.

Assez malin, lorsqu’il avait signé son contrat de travail à l’époque, il s’était dit : « J’ai mon réseau, j’arrive avec mes clients, et comme il s’agit de mon portefeuille, je ne veux aucune clause de non-concurrence. Pour plusieurs raisons : le marché est trop petit, donc un recours en justice me donnerait raison. Et deuxièmement, ce sont MES clients. Je vous en fais profiter si vous êtes mes employeurs, mais je les garde si j’en ai envie. » Ce que les recruteurs avaient accepté.

Ainsi, lorsqu’il est parti, il avait emmené son portefeuille client avec lui. Mais du point de vue de la compagnie C, il ne représentait absolument aucune menace. Certes, il avait ses clients, mais pour leur vendre quoi ? Avant de vendre, il faut acheter et il n’avait aucun levier financier.

Pour eux, c’était un raté sans avenir face à un grand compte. Et ils avaient raison… sur l’instant.

Quelques temps plus tard, ils ont eu de ses nouvelles via des contacts et prospects. Apparemment, il vendait du petit consommable : des bandes, des sparadraps, du coton.

démarchage

Dans un secteur où le matériel peut coûter des millions, il vendait du "gagne-petit".

Quand ils ont appris ça, les gérants de la compagnie C jubilaient.

Il paraît que, sur la place publique, le commercial était devenu l’objet d’humiliations auprès des confrères. Lorsque la compagnie C démarchait des prospects qui travaillaient avec lui, ils disaient :

« Quoi ? Vous travaillez avec lui ? Oui, je vois. Mais de toute façon, il ne vendra rien de très utile pour votre métier. Si vous avez besoin de matériel et de machines fiables, c’est chez nous qu’il faut aller. »

En interne, il était devenu la risée de tout le monde, un exemple pour dissuader toute rébellion :

« Tu vois, si tu nous trahis, voilà ce qui va t’arriver. Tu vas finir minable à vendre du consommable, alors que chez nous, tu bosses avec des marques de renom. »


Quelques années plus tard

Les années passent.

Les dirigeants de la compagnie C ont probablement oublié jusqu’à l’existence de cet ancien commercial. Plus une menace, plus personne. Ils poursuivent leurs affaires, quasi-monopole régional.

Un jour, un gros appel d’offres est publié pour du matériel que les hôpitaux ne changent que tous les 10-15 ans. La compagnie C se dit : génial, on va répondre et empocher quelques millions au passage.

Car oui, bien qu’elle soit leader, ses ventes régulières la font surtout survivre. Les seules vraies bouffées d’oxygène, ce sont ces gros appels d’offres qui permettent de garder la tête hors de l'eau pendant des années.

Ils constituent leur dossier, comme d’habitude. Candidature, bordereau de prix, puis envoi.

Quelques semaines plus tard, coup de tonnerre : ils sont écartés. Le contrat est attribué… à une société inconnue. Une première candidature.

Vous l’avez deviné : notre ancien commercial venait de remporter son premier gros appel d’offres.

Le signal envoyé à cet instant précis n’est pas passé inaperçu.

Resté en bons termes avec ses anciens collègues, ceux-ci ont cherché à le contacter. Ils sont allés boire un verre et il leur a tout raconté.


L’envers du décor

Du point de vue des collègues, il était devenu un looser. Ils ne lui ont rien caché de ce que les dirigeants disaient de lui depuis son départ. Il était au courant.

Ce n’a pas dû être simple à vivre, de continuer à bosser alors qu’on vous dénigre publiquement, mais il en a fait une force.

Il leur raconte :

  • Quand j’ai quitté la boîte, il me restait 3000-4000€. Ma femme et moi venions de faire un prêt pour la maison.
  • Je me suis dit : ok, que peux-tu faire avec ça ? Pas du gros matériel. Donc je suis allé vers le consommable…
  • J’ai appelé mes clients : « Salut Untel, je vends du consommable, je peux t’en fournir si besoin. » Ils ont dit pourquoi pas, et on a commencé.
  • Chaque petit contrat m’a permis de constituer de la trésorerie.
  • J’ai positivé : un contrat de consommable, c’est un contrat récurrent, ça fait tourner la boîte.

Souvenez-vous, c’était à cette période qu’on le traitait de minable.

Et puis :

  • Je connais les process, je sais comment la compagnie C fonctionne.
  • J’étais parti de loin, mais j’avais fini avec une trésorerie à 6 chiffres.
  • Quand l’appel d’offres approchait, j’ai anticipé. Je savais qu’ils bosseraient avec GE (General Electric). Donc j’ai contacté Siemens.
  • Je leur ai dit : je connais la méthode GE, donnez-moi votre carte exclusive sur cette région, je vous garantis de devenir leader. Je mets la moitié du prix du matériel, fournissez-moi le reste.

Ils ont dit oui.

Et c’est ainsi que le "looser" a raflé le premier gros contrat… puis un deuxième, un troisième, etc.

succès

Le jour où j’ai vu passer le fondateur furieux: c’était probablement le 4e ou 5e marché qu’il leur prenait sous le nez.


Conclusion

Je sais que l’on peut faire plusieurs lectures de cette histoire. Moi, à l’époque consultant chez la compagnie C, je l’ai vécue en tant que spectateur indirect. Les employés m’ont raconté, et j’ai trouvé ce commercial très inspirant.

Cette histoire m’a appris :

  • Qu’on peut commencer petit et devenir grand.
  • Que peu importe l’humiliation, seul le résultat compte à l’arrivée.
  • Qu’il ne faut jamais regarder de haut quelqu’un, car le rapport de force peut changer.
  • Que les dirigeants auraient dû écouter au lieu de mépriser.
  • Que cette réussite aurait pu se produire chez eux, s’ils avaient reconnu sa valeur.
  • Qu’il ne faut jamais sous-estimer un concurrent. Aujourd’hui, sa boîte a plus de 20 ans, et il est probablement loin devant la compagnie C en chiffre d’affaires.

Entre-temps, certains anciens employés de la compagnie C sont allés travailler chez lui. Le "minable" est devenu employeur, et comme il vient réellement d’en bas, il accorde une bien meilleure reconnaissance à ses équipes, disent ses collaborateurs.

Oui, cette histoire est 100% vraie 😳 Il a commencé par vendre des sparadraps à quelques centimes et a fini par vendre des IRMs à plus d'un million d'€.

Et vous, que vous inspire cette histoire ?

#entrepreneuriat#inspiration#business

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Alexandre P.

Développeur passionné depuis plus de 20 ans, j'ai une appétence particulière pour les défis techniques et changer de technologie ne me fait pas froid aux yeux.


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